L’évolution du marché de l’optique face au vieillissement de la population
Le vieillissement de la population est l’un des phénomènes démographiques majeurs du XXIe siècle. En France comme dans de nombreux pays industrialisés, la proportion de personnes âgées de plus de 60 ans augmente fortement, avec des projections qui annoncent une véritable révolution grise. Ce basculement a des répercussions sur de nombreux secteurs, et l’optique n’y échappe pas. Correction de la presbytie, prévention des maladies oculaires liées à l’âge, accompagnement visuel personnalisé : les besoins évoluent, forçant l’adaptation des professionnels.
L’optique face au vieillissement de la population : une demande structurellement en hausse
Le vieillissement est corrélé à une dégradation naturelle de la vision. À partir de 40-45 ans, la presbytie devient quasi inévitable. À partir de 60 ans, les risques de pathologies comme la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), la cataracte ou le glaucome augmentent considérablement.
Selon l’Inserm, plus de 80 % des personnes de plus de 60 ans présentent un trouble visuel nécessitant une correction, un traitement médical ou une aide technique. La demande en équipements optiques est donc naturellement tirée par cette population vieillissante, en quête de confort visuel et de solutions adaptées à leurs besoins spécifiques.
Mais cette demande n’est pas homogène : elle varie selon l’état de santé, le degré de dépendance, la mobilité, et les habitudes de consommation.
Des attentes plus complexes : qualité, confort et innovation
Contrairement aux idées reçues, les seniors ne recherchent pas uniquement des produits basiques. Plusieurs études montrent que les consommateurs âgés sont attentifs à la qualité des matériaux, au confort de port prolongé, à l’esthétique, mais aussi à la performance visuelle dans différentes conditions (vision nocturne, lecture, conduite…).
Cela se traduit par une forte demande en verres progressifs dernière génération, traitements antireflets haut de gamme, filtres lumière bleue et matériaux ultra-légers. Les verres personnalisés, comme ceux proposés par des technologies comme EyeCode (Essilor) ou IndividualFit (Zeiss), séduisent de plus en plus.
Le senior d’aujourd’hui est actif, informé et souvent prescripteur pour son entourage (conjoint, parents dépendants, petits-enfants). L’opticien devient ainsi un acteur central de l’accompagnement visuel, parfois plus accessible que le médecin ophtalmologiste.
Un besoin croissant de services à domicile et de coordination avec le médico-social
Le vieillissement s’accompagne souvent de difficultés à se déplacer. Cette contrainte alimente le développement de services d’optique itinérante ou d’opticiens à domicile, comme ceux proposés par Les Opticiens Mobiles, ou encore certaines mutuelles.
En parallèle, les dispositifs d’adaptation des aides visuelles pour les personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap visuel sont de plus en plus demandés : loupes électroniques, systèmes grossissants, éclairage spécialisé…
Cette transformation implique aussi un travail en synergie avec les EHPAD, les services de maintien à domicile, les orthoptistes et les ergothérapeutes. La filière s’oriente vers une logique plus médicale et sociale, qui va bien au-delà de la simple délivrance d’une paire de lunettes.
Une filière qui adapte son offre et ses compétences dans un marché à fort potentiel
Face à cette mutation démographique, les professionnels de l’optique sont amenés à adapter leurs compétences et leurs produits.
Les verriers développent des gammes spécifiques pour la vision sénior, avec des verres adaptés aux gestes du quotidien et à la fatigue visuelle. Les fabricants de montures repensent les systèmes de charnières, les poids et les formes pour mieux répondre aux besoins morphologiques des personnes âgées. Les écoles d’optique intègrent désormais des modules sur la prise en charge des publics vieillissants.
Par ailleurs, de nouvelles spécialisations émergent, comme l’optique gériatrique, qui intègre les spécificités du vieillissement dans l’analyse visuelle, l’équipement et le suivi du patient.
Selon une étude du Cabinet Xerfi en 2023, le segment des équipements optiques pour les plus de 60 ans représente déjà près de 45 % du chiffre d’affaires global du secteur en France, un chiffre en constante augmentation.
Mais ce potentiel s’accompagne de plusieurs défis :
- le remboursement limité de certains équipements spécifiques,
- la fracture numérique (accès aux informations ou rendez-vous en ligne),
- le risque d’isolement de certains publics fragiles.
Pour relever ces enjeux, l’innovation technologique doit aller de pair avec une accessibilité renforcée et une approche inclusive du soin visuel.
Le rôle de l’optique face au vieillissement de la population est primordial. Ce dernier entraîne une hausse de la demande, mais surtout une complexification des besoins, obligeant les professionnels à réinventer leur approche : plus de personnalisation, plus de services, et plus de coordination avec les acteurs du soin et de l’accompagnement. Dans cette transformation, l’opticien de demain devra être à la fois technicien, pédagogue et partenaire du bien vieillir.